Sucre : le Congo veut gagner la canne

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Bienvenue au sein de la plus grande agro-industrie du Congo. La Société agricole de raffinage industriel de sucre, la Saris, trône au milieu de ses plantations de canne à sucre à Nkayi, dans la Bouenza. Reportage au pays du sucre.

Les champs défilent, infinis et verdoyants. Des cannes à sucre de plusieurs mètres de haut bordent la piste où de gros tracteurs et engins industriels circulent. Il faut rouler plusieurs kilomètres depuis le centre de Nkayi pour atteindre l’entrée du site principal de la Saris. Voici l’unique sucrerie du Congo, véritable patrimoine industriel du pays. C’est ici qu’est produit le sucre de la marque « Princesse Tatie ».

Savoir-faire agricole

« Il y a deux cycles de culture de la canne à sucre : celui de “petite culture”, où la canne est récoltée neuf mois après avoir été plantée, et le cycle de “grande culture”, qui dure quinze mois », explique Faustin Mbingou, le souriant chef du service irrigation. Fier de présenter le savoir-faire agricole de son entreprise, il expose avec enthousiasme les différentes étapes de culture de cet or vert.

« Nous avons sept variétés de cannes ici, et une pépinière où les boutures sont préparées avant d’être mises en terre », souligne-t-il. Les boutures passent par un traitement thermique pour éliminer les virus et un bain d’insecticides et de fongicides. Quant au sol, lui aussi doit être préparé : défrichage, désherbage puis sous-solage, pulvérisation des mottes de terre et tracé des sillons précèdent le logement des boutures. Une fois la plantation réalisée, la parcelle en question donnera de la canne pour sept années consécutives « en moyenne », précise Faustin : « Certaines repoussent pendant seize ans tandis que d’autres sont à changer au bout de deux. »

Système d’irrigation

Le rendement minimum attendu est de 52 tonnes de cannes par hectare. Pour l’atteindre, la Saris compte sur les conditions climatiques naturelles. Mais en 2012, la sécheresse a fait plonger la production de l’entreprise à 46 000 tonnes de sucre à l’année (contre les 70 000 habituelles). Décision a été prise de mettre en place un système d’irrigation. « Nous avions l’eau avec le fleuve Niari et nous nous sommes dit qu’il fallait en profiter pour rendre la culture plus fiable », raconte Faustin Mbingou.

En 2014 sont donc installés deux pivots, impressionnants systèmes d’arrosage de 4,5 mètres de haut pour 603 mètres de long. Comme leur nom l’indique, ils pivotent sur eux-mêmes et arrosent les cannes à sucre pendant la saison sèche. Sur les 363 hectares couverts par les quatre pivots installés (deux ont été ajoutés en 2016), la différence est visible à l’œil nu : difficile de se frayer un chemin à travers les plans de canne irrigués tellement les tiges sont nombreuses. Car les résultats sont là. Ces champs produisent 120 tonnes de cannes à l’hectare. « L’objectif est d’irriguer 3 000 hectares au moins d’ici à 2025, et pas seulement les terres proches du fleuve », ajoute Faustin.

Un processus de transformation complexe

Quand vient le temps de la récolte, les champs de cannes à sucre sont brûlés afin de faciliter le travail des coupeurs. Une technique impressionnante qui précède le traitement à l’usine. Car, six mois par an, l’imposante fabrique attend la récolte. Capable de broyer 210 tonnes de cannes à sucre par heure et de produire 600 tonnes de sucre par jour, la manufacture engloutit les cannes pour les transformer en sucre en sachet ou en morceaux.

Il faut imaginer ces remorques remplies revenant des champs déversant des milliers de cannes sur une table industrielle où elles seront lavées, coupées, tassées… réduites en charpie et passées à travers des moulins pour en extraire le jus.

Le jus subira à son tour de multiples transformations (passé au tamis, dépulpé, filtré, traité, ébouillanté, décanté, modifié, re-filtré, évaporé, cuit, malaxé, maturé, essoré, cuit à nouveau, séché et stabilisé) pour se transformer en sucre solide. Et chaque étape est réalisée par des machines énormes : marmites industrielles, malaxeurs, tuyaux et autres turbo-alternateurs aux dimensions monumentales. « En théorie, 100 tonnes de cannes à sucre donnent 10 tonnes de sucre en produit fini, mais il y a des pertes un peu partout au fur et à mesure du processus de transformation de la canne », explique Baudry Diabangouaya, responsable de la fabrication. Ainsi, il ne faudra que vingt-quatre heures à une canne tout juste récoltée pour devenir sucre, en sortie d’usine.

La Saris en chiffres :

61 ans, l’âge de l’entreprise, créée en 1956.
700, le nombre d’employés permanents
3 500, le nombre de saisonniers nécessaires en période de campagne de sucre, c’est-à-dire de récolte et de traitement de la canne.

70 000 tonnes de sucre sont produites annuellement par l’usine en moyenne

5 000 tonnes de cannes à sucre sont broyées par jour en période de production

12 500 hectares de cannes à sucre plantées et exploitées

Par: Julie Crenn

Photo : Rey Mangouta/Brazzamag

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