Luc-Emmanuel Zanghieri, un entrepreneur au service du Congo

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OFIS, Yattoo.Com, TNT Africa… Derrière ces marques, un homme incarne le rêve américain du Congo en mutation. Tête-à-tête avec Luc-Emmanuel Zanghieri, ce chef d’entreprise âgé de 43 ans au parcours atypique.

Il est 10H15, Luc-Emmanuel Zanghieri entre dans son bureau situé dans les locaux d’OFIS, sur le boulevard Charles-de-Gaulle à Pointe-Noire. « On vous a proposé du café ? J’en bois dix par jour, ou plutôt… dans une matinée !! », lance-t-il en riant avant de sortir de son bureau pour aller en chercher.

L’enfant du Congo

Français d’origine, c’est à l’âge d’un an que Luc-Emmanuel Zanghieri arrive à Pointe-Noire en 1976 avec ses parents. Son père, Walter Zanghieri, d’origine italienne, et sa mère, Maryse, native de l’Algérie, sont tous deux médecins. Après quelques années en Algérie, le couple, en quête d’exotisme, décide de s’installer au Congo. Ils œuvrent tous deux à l’hôpital A. Sicé, le père, chirurgien-dentiste et la mère ophtalmologue. La famille réside pendant six mois à l’hôtel Atlantic avant de déménager dans une maison près du rond-point des Amoureux, puis de déménager à nouveau vers une maison à la Côte Sauvage, dans laquelle Luc-Emmanuel grandit jusqu’à ses 15 ans. « J’adorais me balader dans Pointe-Noire à vélo, faire tomber des mangues des arbres en lançant des pierres, griller des “badames” dans des feux improvisés au bord de la route et m’asseoir pour les manger sous les manguiers avec mes amis congolais. J’étais passionné de sports aquatiques et par l’océan, je pouvais faire du bodyboard toute une journée sans m’arrêter pour aller manger … », confie le quadragénaire un brin nostalgique.

Un dépaysement total

Aîné d’une famille de deux enfants, Luc-Emmanuel Zanghieri fait une partie de sa scolarité au sein de l’établissement français Lycée Charlemagne avant de partir la poursuivre au Lycée Louis-Le-Grand à Paris. C’est le début d’un dépaysement total ! Le lycéen vit dans un internat catholique loin de ses parents : « Je suis passé d’une vie où tout m’était acquis à une vie où la compétitivité était extrêmement élevée », raconte le Ponténégrin.

Tandis que ses camarades de classe rêvent tous de faire Polytechnique, Luc-Emmanuel, lui, veut faire une école de commerce. Deux ans plus tard, diplômé d’un bac scientifique, il fait une année de prépa aux Hautes Etudes de commerce (HEC) à Paris avant d’intégrer l’Ecole de management de Lyon. En 1994, cinq ans après la chute du mur de Berlin, Luc-Emmanuel part en échange universitaire en Allemagne, à Berlin Est, où il va vivre pendant un an, dans ce qui fut le bloc soviétique. « C’était une année folle, l’année de la liberté, de la découverte, de la bohême… un total dépaysement après une prépa intense », expose-t-il.

Le rêve américain

En 1997, Luc-Emmanuel Zanghieri, que les plus intimes surnomment « LEZ » (ses initiales), fasciné par l’esprit d’entreprise des Américains, s’envole pour le Texas. Un an plus tard, il obtient un MBA en management des petites entreprises puis décide de revenir dans le pays de son enfance, le Congo. Là, il effectue un volontariat international en entreprise pour le compte de NECOTRANS. Le jeune diplômé effectue alors une série de missions chez SOCOTRANS de 1998 à 1999, à des postes de « terrain pur et dur ». Il s’occupe notamment de la supervision du chargement et déchargement de navires de vrac et de conteneurs, du parc à conteneurs au Port autonome de Pointe-Noire.

Des concepts plein la tête, désireux de vivre son propre rêve à l’américaine, c’est dans le garage de ses parents que Luc-Emmanuel Zanghieri crée, le 15 février 2000, sa première société : OFIS.

« J’ai beaucoup d’admiration pour mon fils, car au lieu de choisir la facilité et de marcher sur un chemin déjà tracé, il s’est engagé sur une voie nouvelle, où il avait tout à construire. Il a œuvré de tout son cœur, et s’est engagé à fond en gardant toujours à l’esprit l’intérêt du Congo, qu’il considère comme son pays », souligne Maryse Zanghieri, la maman de Luc-Emmanuel.

L’art de l’entreprenariat

Luc-Emmanuel Zanghieri assemble des micro-ordinateurs qu’il vend à moins de 500,000 francs CFA, puis devient au fil du temps le premier distributeur des produits DELL en Afrique francophone. « J’ai toujours eu une certaine fibre commerciale depuis tout petit. Quand je partais en colonie de vacances en France, on descendait au village une fois par semaine le week-end. J’achetais alors des crêpes et des boîtes de lait Nestlé que je revendais ensuite pendant la semaine à mes petits camarades. Je me souviens que j’avais ainsi récolté 280 francs à la fin de la semaine, alors que j’avais à peine 10 ans », plaisante Luc-Emmanuel en ajoutant : « Ici, à Pointe-Noire, lorsque j’avais entre 13 et 14 ans, je fabriquais des skimboards [planche que l’on jette sur le sable et vers laquelle on court afin de sauter puis glisser dessus, ndlr] de différentes tailles et formats que je vendais à plus de 100 000 Francs CFA… de l’époque ! »

En 2004, après la vente de la maison familiale des Zanghieri, OFIS investit ses premiers bureaux sur le boulevard Charles-De-Gaulle, en face du Migitel. « On s’est connu ici quand il a commencé son entreprise. J’étais déjà moi-même entrepreneur, j’avais créé ma première société en 1997 », raconte le directeur général de CPS, Benoît Fauchère.

A l’image des acteurs des séries hollywoodiennes que Luc-Emmanuel adore regarder sur Netflix via les services d’accès Internet qu’il fournit avec Yattoo, l’entrepreneur poursuit sa recherche du succès. Il élargit au fur et à mesure les services de sa société aux particuliers et aux entreprises. « Luc-Emmanuel est un homme brillant, il a une qualité d’entrepreneur. C’est une personne ultra dynamique et très active, notamment en raison de sa très grande consommation de café », déclare en riant son ami Benoît Fauchère, avant d’ajouter : « Il a fait un super boulot dans le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) au Congo. »

Aujourd’hui à la tête de 500 employés, le dirigeant d’OFIS est fier lorsqu’il parle de son entreprise : «Quand je repense à ces vingt dernières années, je me dis que c’est une histoire assez incroyable, une belle histoire. OFIS est une PME congolaise qui est parvenue à exister à côté de multinationales. »

Le goût des nouveaux défis

Les challenges, c’est bien ce qui anime cet homme. Stimulé par la volonté d’étendre l’utilisation des NTIC à tous les habitants du Congo, le directeur général d’OFIS a commencé à implanter des « YattooZone », des bornes de connexion wifi alimentées par des panneaux solaires. Ce projet permet un accès à Internet pendant la journée et assure un éclairage la nuit, dans les villes comme dans les villages. Cette intégration technologique a été intégralement développée au Congo, pour les besoins du pays. « Luc-Emmanuel a bien entendu et heureusement évolué au cours de toutes ces années. Il a gagné en maturité et certainement perdu quelques illusions, mais son enthousiasme reste entier. Il explore de nouvelles pistes dans le domaine technologique et garde toujours à cœur l’avenir du Congo dans un monde en pleine révolution. Je crois qu’il est l’un des rares entrepreneurs dans son secteur qui cumule à la fois l’amour pour son pays d’adoption et les compétences nécessaires au développement de ses projets », assure Maryse Zanghieri.

LEZ a encore des projets plein la tête, notamment le projet « Pointe-Noire Ville Numérique » en partenariat avec la mairie de la capitale économique. « Ce sont de tels développements qui font les villes intelligentes de demain. Des villes modernes, où les citoyens sont ultra-connectés. Nous sommes heureux d’être une entreprise congolaise qui participe activement au développement de la “Smart City” au Congo. Nous apportons clairement notre pierre à l’édifice », déclare fièrement Luc-Emmanuel Zanghieri.

Par Sylverène Ebélébé

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