Anoel Ngamissengue veut rentrer au boxe office

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Au Congo, difficile pour un sport de sortir de l’ombre du football tout-puissant. C’est ce qu’essaie de faire la boxe depuis quelques années. L’un de ses meilleurs ambassadeurs est Anoel Ngamissengue. Il boxe en amateur dans la catégorie des 75 kilos.  A 21 ans, il a un parcours déjà bien rempli : une dizaine de matchs internationaux, les Jeux africains, et même les Jeux olympiques de Rio. Antoine Rolland l’a rencontré dans son fief, à la salle des Black Panthers, à Pointe-Noire. 

Quand il ne boxe pas, il s’ennuie. Pour Anoel, un jour sans gant est long comme un jour sans pain. Des pains, justement, il en distribue volontiers à un pauvre punching ball, dont les mouvements de balancier laissent deviner la puissance des chocs. A chaque coup, le jeune homme, la tenue de l’équipe nationale sur ses larges épaules, lâche un râle d’effort.  « Et encore, mon rôle est de le ralentir aux entraînements, relativise son coach, Zaied Bacar. Sinon il se blesserait. »

Depuis qu’il a commencé la boxe, Anoel Ngamissengue est du genre pressé. A 21 ans, il a déjà disputé une dizaine de matchs internationaux, dont un olympique. Pourtant, il est monté tard sur le ring, vers 14 ans. Comme tout jeune ponténégrin, il est d’abord attiré par le foot, même s’il ne refuse jamais une petite bagarre de temps à autre, dans la rue. Jusqu’à son entrée dans la salle de boxe de son quartier, un soir d’hiver en 2009. « Je regardais les entrainements par les trous dans le mur. Et puis un jour, j’ai franchi le pas, je suis allé m’inscrire. » Quand il enfile les gants, c’est le coup de foudre.

“Une pépite”

L’adolescent progresse vite. En trois mois, il monte sur le ring pour son premier combat, la peur de sa vie. « Aux deux premiers rounds, j’étais intimidé, je boxais largement au-dessous de mon niveau. A la pause, mes entraîneurs me disent de faire comme à l’entraînement. Alors je me suis lâché. » Une minute plus tard, son adversaire est à terre, K.-O.

C’est la marque de fabrique du jeune boxeur. C’est un puncher, capable de mettre à terre ses adversaires par un simple mais puissant coup. Un profil devenu rare dans la boxe contemporaine. Récemment à Brazzaville, il a même envoyé quelqu’un dans le coma, direction l’hôpital. Ce souvenir le traumatise encore. « Quand tu vois que ton adversaire ne se relève pas, tu te sens mal, tu te remets en question. La boxe est un sport de gentleman. On met des coups, mais à la fin on se sert la main. »

Le K.-O. est une façon de se faire remarquer dans ce petit monde. Et de ne pas prendre le risque d’une défaite par points. Défaite injuste car soumise à l’appréciation, forcément subjective, des juges. Le K.-O. a l’avantage de mettre tout le monde d’accord, et d’impressionner. Jusqu’au propre père d’Anoel. Au début, le patriarche ne voulait pas entendre parler de sport. D’autant plus que son fils n’a aucun travail en dehors de la boxe, « pour mieux se consacrer aux entraînements ». Mais il change d’avis à la vue d’un de ces matchs éclairs, gagné en quelques secondes.

C’est aussi de cette manière que le boxeur séduit son coach Ziad Bacar, ancien champion de France. Lors d’un match en 2012, Anoel met à terre un gaillard de deux têtes de plus que lui. Zied n’en revient pas, le charme opère sur le moment. « Des boxeurs comme ça, on en voit passer un tous les vingt-cinq ans. C’est une pépite. » Les deux hommes ne se quittent plus. « Mon coach me protège des gens malintentionnés, des managers véreux. Je lui dois beaucoup », reconnaît Anoel.

“Des cailloux à la figure”

Il y a une part de lucidité chez le jeune homme. Son ascension rapide ne lui monte pas à la tête. Il évoque sans cesse le besoin de travailler sa boxe, encore et encore. Sans pour autant entrer dans une bulle, ni se couper de ses autres camarades de club, à qui il lui arrive d’assurer les entraînements.

Ceci dit, il ne s’embarrasse pas de fausse modestie. « Une fois, le public de Brazzaville s’est prosterné devant moi, raconte-t-il encore tout étonné de son moment de gloire.  Je suis fier de mon parcours, j’ai propulsé la boxe congolaise à un autre niveau. » Jusqu’aux Jeux olympiques, en 2016 à Rio. Les premiers pour un boxeur congolais depuis 1980 !

Au Brésil, son passage est malheureusement éclair. Il arrive sans coach la veille du match. Pour lui, le plus abouti de sa courte carrière. Son adversaire est l’Algérien Ilyas Abbadi, vice-champion d’Afrique. Le Congolais lui ouvre l’arcade, Abbadi vacille. Selon le règlement, le combat aurait dû être arrêté, mais il se poursuit. Finalement, l’Algérien remporte la manche aux points. « Grâce à sa réputation », regrette Zaied.

Depuis, la détermination d’Anoel n’a pas flanché, bien au contraire. Il s’est récemment qualifié aux championnats de monde. Son but, désormais : s’orienter au plus vite vers une carrière internationale. Il compte déjà dix matchs au compteur. « Anoel a une grande capacité de travail. Pour préparer les Jeux, je lui lançais des cailloux à la figure. Il encaissait tout sans broncher. »

Anoel confirme, il souffre beaucoup, mais sans rien regretter. « Ce sport est beau, dit-il avec des yeux enamourés. C’est comme une danse. Tu dois toucher l’autre sans te faire toucher. Et si jamais il te frappe, tu dois frapper plus fort. Tu dois lui montrer qui tu es.» Si possible en moins d’une minute.

Par Antoine Rolland

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