Regroupés dans des ateliers de plus de dix personnes pour la plupart, les vanniers de Brazzaville travaillent en collectivité. Créer une association reste une étape cruciale pour la viabilité de la profession.
Il est 8h du matin à Moungali, quatrième arrondissement de Brazzaville, sur l’avenue cité des 17 en face du CEG Matsoua. De l’autre côté de la chaussée, on aperçoit déjà les vanniers entrain de déballer leurs sacs à outils : petits couteaux, tenailles, scie à métaux, marteaux, teinture, de l’eau une bouteille d’eau et une tenue de travail pour certains. Eux, ce sont là les vanniers de Matsoua, à ne pas confondre avec les vanniers de Bifouiti, autre atelier de la même profession. A Matsoua, ils sont au total huit vanniers à travailler dans cet atelier à ciel ouvert. Certains chantonnent, d’autres discutent gaiement tandis que le reste s’occupe de la vente. C’est dans cette ambiance bon enfant que ces vanniers passent leurs journées. On pourrait s’y méprendre et croire à un collectif associatif et pourtant, non seulement ces gens travaillent mais en plus, ils le font à leur propre compte. «Nous nous sommes regroupés ici parce que nous n’avons pas les moyens d’avoir chacun un espace de travail. Ici, nous cotisons pour payer l’espace mais chacun vend pour son propre compte», explique Malanda Justin, l’un des vanniers.
Le goût d’entreprendre transmis de père en fils
Malanda Justin a appris ce métier à son village, Kibossi, au sud du Congo, à l’âge de 14 ans. Etant l’aîné de sa famille, Justin se devait d’apprendre un métier très tôt pour prendre la relève. Son père se chargea alors de son apprentissage. Il se rappelle encore du premier panier qu’il a fabriqué en 1988. «Quand j’ai fabriqué mon premier panier, je me rappelle que mon père m’avait demandé de refaire le travail parce que le panier était tordu ». Justin, déterminé, a fini par reprendre le travail. Son deuxième panier était une réussite telle que qu’elle lui avait permis d’ouvrir son propre atelier dans son village deux mois après sa formation. Voir ses clients satisfaits est une source de fierté pour Malanda Justin : «Il fait bien son travail. Nous commandons souvent des chaises chez lui. En plus, il respecte les délais. C’est un vrai don qu’il possède », déclare Huguette, une cliente.
Il y a d’autres bons vanniers à Matsoua. A 42 ans, Matsimouna Aubin, « ya mathis » comme l’appellent affectueusement ses collègues, confectionne le dernier panier de la journée avant d’aller prier : « La prière est à 16h. Je dois rentrer chez moi d’abord. Je risque d’être en retard», déclare-t-il, tout en fabriquant son « Zébilamba », une chaise en liane que les femmes africaines utilisent souvent en cuisine. Aubin, qui est l’un des rares à posséder une carte d’artisan, explique les bienfaits de son métiers : « au début les gens se moquaient de notre métier car ils ne le respectaient pas. Mais avec ce que nous fabriquons, nous avons fait nos preuves. Ce métier me permet de nourrir ma famille et d’envoyer mes enfants à l’école et j’en suis fier» clame-t-il.
Ces vanniers préfèrent pour la plupart travailler individuellement plutôt qu’en associations : « Nous préférons travailler indépendamment pour être libres. En association, il y a trop de contraintes. Nous voulons être autonomes», déclare Matsimouna Aubin.
L’ANA, bras droit des artisans
L’Agence Nationale de l’Artisanat (ANA), porte parole des artisans auprès du ministère des petites et moyennes entreprises et de l’artisanat (MPME), multiplie les appels pour inciter les artisans à obtenir une carte d’artisan et de créer une association. La carte donne le droit aux artisans de bénéficier de certains avantages tel que de pouvoir participer aux expositions nationales et internationales ou de voyager à l’étranger sous la protection de l’ANA. Mais comme le souligne le directeur départemental de l’ANA, Richard Kono, la plupart des artisans ne comprennent pas l’importance de la carte d’artisan. L’association, d’un autre côté, donnerait la possibilité aux artisans d’avoir des prêts auprès de l’ANA. «l’ANA, pense qu’un prêt donné à une association est mieux utilisé qu’un prêt octroyé à un seul artis», explique M.Kono. En attendant, l’ANA espère que ses multiples appels finiront par convaincre les vaniers.
Ce qui fait vivre….
C’est parfois au marché de Yoro dans le sixième arrondissement de Brazzaville que les vanniers achètent le rotin et la liane. Une matière première qu’ils achètent en paquet de 6000 FCFA pour la confection d’un demi salon en rotin et 2500FCFA pour la fabrication d’un salon de quatre fauteuils avec table en liane. Les bénéfices varient entre 50% à 80% par paquet. Pour Justin, c’est “la sagesse du vannier” qui détermine le bénéfice : « il faut être sage pour espérer avoir plus de bénéfice sans gaspiller sa liane ou son rotin ».
La menace
La liane synthétique commence à attirer les clients au détriment de la liane naturelle. De ce fait, les vanniers ont trouvé un moyen pour s’adapter au marché sans pour autant perdre leur authenticité : proposer les deux types de lianes à leurs clients. La robustesse de la liane synthétique la différencie de la liane naturelle qui est souvent envahie des parasites lorsqu’elle n’est pas traitée. Cependant, dans les marchés de Brazzaville, la liane synthétique est entrain de gagner du terrain. De 400.000 FCFA à 500.000 FCFA pour un salon en liane synthétique contre 200.000 FCFA à 150.000FCFA pour un salon en liane naturelle.
Les vanniers doivent donc redoubler d’efforts pour préserver la tradition et maintenir leur clientèle.
Photos: Gaston Bassouamina (BrazzaMag)