Moukounzi-Ngouaka, tout le monde va en parler ! C’est en effet l’un des deux quartiers de Brazzaville (avec Sukissa) qui va être réhabilité en 2018 par la Banque mondiale, avec la participation du gouvernement, tout un programme d’assainissement et de bitumage des rues. Il en avait bien besoin…
Limites géographiques
Moukounzi-Ngouaka est un quartier modeste entre l’avenue de l’OUA, la rue Raoul-Follereau, la rue Tchikaya U’Tamsi à l’est et l’avenue Pettersen à l’ouest (la route qui mène à Château d’eau). Disons, pour simplifier, qu’il s’agit du quartier qui se trouve en face du Marché Total, de l’autre côté de l’OUA. C’est un quartier aux rues toutes de travers, il y a de quoi s’y perdre. Face au Stade Marchand, Moukounzi-Ngouaka déborde encore un peu, et englobe le ministère de l’Education, la DEC (Direction des examens et concours) et l’hôtel Phoenix.
Un siècle d’histoire
Quand, dans les années 1940, les avions se posaient encore sur l’aérodrome de Bacongo, les hangars d’aviation du Centre sportif étaient les derniers bâtiments construits à l’ouest, mais ce qui deviendra l’avenue de l’OUA reliait déjà le futur rond-point du CCF à Kinsoudi. Et, de l’autre côté de cette voie, d’anciens tirailleurs démobilisés, originaires de Centrafrique, avaient obtenu des concessions. Plutôt que de rentrer au pays, ils étaient restés au Congo. Il y avait encore de l’espace : l’église évangélique du Congo s’installa au bord de l’avenue, ainsi que l’institut géographique, la faculté des sciences et l’Ecole française. L’imprimerie nationale était déjà là depuis 1905. Mais le quartier était surtout devenu le « quartier de la télé », jusqu’à ce que la Télévision déménage à Nkombo en 2008.
Population et superficie
Moukounzi-Ngouaka n’est qu’une petite part de l’immense Makélé-kélé, le premier arrondissement. La population de ce modeste quartier s’élève tout de même à 14 000 personnes.
L’origine de Moukounzi-Ngouaka
« Moukounzi-Ngouaka » était le nom du chef centrafricain (ancien tirailleur) qui s’était installé dans le quartier (Moukounzi signifie « chef » en mbaka). Ce « Ngouaka » avait une forte personnalité, et il semble avoir été un bon souverain pour ce petit royaume. On dit aussi qu’il avait un orchestre traditionnel apprécié.
Pour la petite histoire
Le grand marché Total ferme tous les lundis pour nettoyage. Toutefois, une partie de vendeurs et vendeuses préfèrent ne pas prendre une journée de repos et traversent l’avenue pour vendre, le lundi, de l’autre côté de l’OUA. Moukounzi-Ngouaka, donc, accueille tous les lundis le marché Total, dans un désordre bon enfant, sur ses trottoirs et ses rues proches. Si vous faites votre marché le lundi, traversez seulement !
Les bâtiments remarquables
A l’entrée du quartier, l’école Saint-Exupéry est un bel établissement, qui va encore s’agrandir en 2018. L’imprimerie nationale et l’institut géographique ont le charme des constructions coloniales, malheureusement négligées depuis des décennies. La faculté de sciences, détruite en 1994, n’est plus qu’un ensemble de bâtiments en ruines – ils sont néanmoins squattés par des militaires avec leurs familles. L’ancienne télévision est une coquille vide. Mais le quartier de la DEC est très vivant avec de beaux bâtiments, et toute la zone contre l’avenue de l’OUA, très commerçante, est aussi fréquentée que Total et Tahiti, leurs voisines. A l’entrée de l’ancienne faculté de sciences, la Capped a refait son siège. Toutefois le bâtiment le plus original du quartier est sans conteste la Villa Monama, à deux pas de l’école Saint-Exupéry, avec sa construction autour de son grand patio intérieur, un lieu magique, presque hors du temps.
Les Communautés
Depuis longtemps, les Centrafricains se sont fondus dans les populations locales, Kongos et Tékés pour l’essentiel. De nombreux commerçants, par ailleurs, sont d’Afrique de l’Ouest. On y voit des ressortissants de bien des pays, et des originaires de bien des régions du Congo.
Où manger ?
Une multitude de ngandas existent près de l’OUA, jusqu’au petit marché de Moukounzi, où on trouve à manger même la nuit. De bons restaurants existent près de la DEC et du ministère de l’enseignement, et la Villa Monama propose des menus raffinés.
Où faire la fête ?
Eh bien, Moukounzi-Ngouaka est avant tout un quartier de parcelles familiales, et l’on verra surtout le soir des personnes assises devant leurs maisons à prendre l’air. Il est toujours possible de boire une bière dans la nuit, d’avoir de bonnes discussions, mais Moukounzi-Ngouaka n’est pas un quartier de discothèques.
Une personnalité du quartier
Les deux premiers présidents du Congo, l’abbé Youlou et Alphonse Massamba-Débat, ont habité Moukounzi-Ngouaka, ainsi que l’ancien footballeur Tostao, qui a laissé son nom à son quartier proche. De nouvelles personnalités viendront sans doute, mais elles sont encore à découvrir.
Au moins une raison d’y aller
Moukounzi-Ngouaka possède le charme des quartiers populaires anciens, calmes, où tout le monde se connaît. Les enfants jouent ensemble en liberté. Les veillées sont suivies par le quartier proche. C’est un certain art de vivre bien africain qui mérite d’être préservé.
Allez flâner dans les rues étroites, boueuses parfois. La Banque mondiale promet 10 kilomètres de rues refaites, alors il y aura de grands changements ! Un nouveau quartier bientôt ? Espérons qu’on y trouvera toujours ici et là trois tables et douze chaises, une publicité de boisson, un endroit où on vous accueillera tout simplement, avec une hospitalité souriante, cette hospitalité caractéristique des vieux quartiers de Brazzaville !
Bernard Sallé